L’immobilier pèse lourd dans la balance de nos banques canadiennes

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Ces deux dernières semaines, nos grandes banques canadiennes ont présenté tour à tour leurs résultats du 3e trimestre de leurs années fiscales respectives. Sans surprise, il s’agit d’un portrait plutôt maussade d’autant plus lorsque nous comparons à la même période l’an dernier. Les profits étaient alors alimentés par les frais de courtages, de comptes en ligne et des frais au niveau de transaction corporative (à se rappeler ici la vague déferlante des SPACs sur les marchés). Les provisions pour les défauts sur prêts se dissipaient peu à peu avec la vigueur des marchés boursiers. Aujourd’hui, le portrait a grandement changé, et les banques canadiennes en traînent lourd sur leur bilan financier.

Avec l’annonce des résultats de la Banque de Montréal (TSX :BMO) ce lundi, l’heure est à la révision des plans stratégiques pour le reste de l’année fiscale pour nos 6 banques canadiennes d’importance. La tendance a rapidement été perçue de par les investisseurs : cette année (et celles à venir) risque d’être difficile au niveau de la performance. La BMO, par exemple, a raté les cibles émises par les analystes. Le bénéfice net de la banque a fondu de 40% comparativement à l’an dernier, pour atteindre 1,37 milliard. Une chute qui découle en partie de l’acquisition convoitée de Bank of the West, mais également du ralentissement drastique dans le département des marchés des capitaux. Ce créneau a en réalité diminué de près de 53%, pour atteindre des revenus de 266 millions ce trimestre. Ce même créneau rapportait un généreux 559 millions l’an dernier au 3e trimestre.

La BMO est loin d’être la seule à avoir eu des problèmes ce trimestre. La banque de la Nouvelle-Écosse (TSX :BNS) a quant à elle essuyé plusieurs rétrogradations d’analystes de « buy » à « hold ». Ces rétrogradations ont été déclenchées suite aux résultats de Q3, montrant un ralentissement important dans le créneau bancaire à l’international. Les activités outre-mer n’ont pas été aussi bonnes que prévues et les provisions pour prêts en défaut n’ont pas été récupérées en entier. Ce qui ramène maintenant l’item de l’heure.

Source: TradingView – Performance 6 banques canadiennes sur la dernière année (30-08-2022)

Tout comme au début de la pandémie, un des indicateurs scrutés à la loupe lorsque les restrictions et ses répercussions ont débuté, étaient les provisions pour prêts en défaut (ou encore, créances douteuses, pour certains). La banque de la Nouvelle-Écosse dévoila un montant de 412M pour ces provisions, soit une augmentation de 88% par rapport au trimestre précédent. La plus grande banque au Canada, la Banque Royale du Canada (TSX :RY) s’est elle aussi, frottée aux mêmes difficultés. Les revenus de celle-ci ont atteint 12.13 milliards de dollars, alors que Q3 2021 présentait 12.76 milliards, une diminution de 4.94%. Tout comme ses comparses, RBC a vu son créneau de marché des capitaux fondre comme neige au soleil. Une diminution de 58%, atteignant un seuil de 479 millions. Encore une fois, rappelons-nous que l’an dernier à pareille date, les memes stocks avaient la cote, la cryptomonnaie faisait rêver et les chèques en blanc étaient plutôt faciles à obtenir.

La réalité pour nos banques aujourd’hui, est que leurs bilans financiers sont très concentrés en hypothèque et donc, sujets aux volatilités des taux d’intérêt et capacité de paiement des ménages. Ces derniers voient une hausse de l’inflation éroder leur pouvoir d’achat, tout juste après s’être offert une nouvelle maisonnée qui elle, devient encore plus dispendieuse de par les hausses de taux d’intérêt. Un regard rapide à nos voisins du sud, la position de la Réserve Fédérale américaine demeure plutôt restrictive. Jerome Powell, Président de la Réserve, a pris la parole vendredi dernier au Symposium de Jackson Hole et exposa l’idéologie de la Fed. Le resserrement connu des derniers mois devrait se poursuivre, et n’arrêtera pas prématurément. Pleinement conscient que cette position pourrait être difficile pour bien des entreprises et ménages, le ton est ferme.

De retour chez nous, quelques analystes sonnent l’alarme. Un rapport réalisé par la banque Toronto-Dominion (TSX :TD) plus tôt cette semaine met en lumière un recul potentiel entre 20 et 25% des prix de l’immobilier d’ici le premier trimestre de 2023. Un rapport corroborant quelque peu un rapport réalisé par Desjardins il y a quelques semaines pointant vers une diminution de 25% également. Toutefois, le rapport de la TD mentionne que ce recul ne ferait que partiellement rattraper la hausse fulgurante de 46% connut ces 2 dernières années.

Source: Banque du Canada, Policy interest rate (30-08-2022)

Ce rapport vient également rattacher la position des banques, qui elles, sont aux prises avec des prêts hypothécaires élevés, pour lesquels la valeur greffée de la propriété baisse de semaine en semaine. Une situation plutôt angoissante, puisque même la saisie et revente de la demeure n’arriverait pas à renflouer les coffres. Cette explication, quoique simpliste, arrive tout de même à justifier l’augmentation des provisions pour défauts, et ce, pour toutes les banques. La Banque du Canada devrait quant à elle se réunir une fois de plus le 7 septembre prochain afin de décider sur une potentielle hausse des taux d’intérêt. Si la Banque suit le même discours que celui de la Fed, il est fort probable qu’une autre hausse soit à prévoir, même si celle-ci risque d’être de moins grande envergure que le 1% annoncé en juillet.

Il est donc à prévoir, d’ici la fin de l’année, potentiellement 2 autres hausses de taux, des résultats plutôt décevants au niveau des banques (spécialement si nous comparons avec l’année extraordinaire de 2021) et d’une augmentation de la cadence des provisions pour prêts en défaut. Tout ça, juxtaposé de l’autre côté de la médaille, avec le taux d’endettement des ménages, les capacités de paiement, et des pressions inflationnistes. Heureusement que 2008 est derrière nous.

Sources :

https://www.bnnbloomberg.ca/bmo-misses-q3-expectations-as-capital-markets-earnings-sink-53-1.1812222

https://financialpost.com/fp-finance/banking/scotiabank-hit-by-wave-of-downgrades-after-earnings-fall-short

https://www.scotiabank.com/content/dam/scotiabank/corporate/quarterly-reports/2022/q3/Q322_Quarterly_Press_Release-EN.pdf

https://financialpost.com/fp-finance/banking/royal-bank-canada-q3-profit-slips

L’auteur de ce billet déclare ne détenir aucune position dans les titres mentionnés ni avoir l’intention d’initier de positions dans les 72 prochaines heures. Cet article est une opinion et ne doit en aucun temps être considéré comme un conseil en investissement.

Le contenu de ce billet, les données financières et économiques incluant les cotes boursières ainsi que toutes analyses et interprétations de celles-ci sont fournies à titre d’information seulement et en aucun cas ne doivent être considérées comme étant une recommandation ou un conseil d’acheter, de vendre, de vendre à découvert ou poser tout autre acte envers toute valeur mobilière, tout instrument dérivé ou tout actif ou classe d’actif quelconque.

L’investissement autonome actif devrait être considéré comme une activité de nature spéculative qui peut comporter des risques importants pouvant entraîner des pertes significatives en capital. Un investisseur autonome actif se doit d’avoir une compréhension de sa tolérance au risque et de ses objectifs d’investissement avant de considérer l’investissement autonome actif comme activité.

DayTrader Canada et les membres de son équipe ainsi que les collaborateurs externes ne peuvent donner aucune garantie ni assurance que les transactions boursières effectuées par ses lecteurs ou clients seront profitables. De plus, les membres de l’équipe de DayTrader Canada, ses formateurs et les collaborateurs externes, ne donneront, en aucun cas durant des formations ou toutes autres activités, des recommandations d’achat ou de vente sur des instruments financiers en particulier.

DayTrader Canada, ses administrateurs, dirigeants, employés et mandataires ne seront aucunement responsables des dommages, pertes ou frais encourus à la suite de la mise en application des notions apprises dans ses formations et/ou de l’utilisation de ses services.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *