Le tout pour le tout en aviation

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Comme la plupart des voyageurs demeurent encore aujourd’hui cloués au sol par le dernier variant de la Covid-19, Omicron, plusieurs entreprises commencent à s’impatienter de rouler à perte suite à des mesures sanitaires qui perdurent. Quoique la majorité des commerces et restaurants peuvent en dire de même, cette fois-ci, il s’agit de l’aviation. Spirit Airlines (NYSE : SAVE) et Frontier Airlines Holdings (NASDAQ : ULCC) ont annoncé la fusion de leurs activités. Alors que l’industrie est durement touchée par les restrictions en cours, la consolidation était inévitable pour certains.

Frontier Group a annoncé ce lundi qu’il se porterait acquéreur de Spirit Airlines dans une transaction évaluée à près de 6.6 milliards de dollars américains. 2.9 milliards en argent et la balance en actions, où un actionnaire de Spirit recevrait 1.9126 actions de Frontier pour chaque action détenue. Il s’agit ici d’une prime de 19% sur le prix de clôture du 4 février dernier. La structure finale devrait laisser Frontier Airlines en contrôle de la majorité avec 51.5% et Spirit détiendrait la balance de 48.5%.

Comme il est souvent le cas en fusions et acquisitions, le titre de la compagnie cible a grimpé, rattrapant la valeur estimée de la prime payée, montant le prix de l’action de Spirit à 25.46$ à la clôture lors du 7 février. Le titre de Frontier a quant à lui très peu réagi à la nouvelle. Les investisseurs seront bien entendu curieux de voir si des synergies notables pourront être réalisées entre les deux transporteurs aériens. 

Source: SeekingAlpha – ULCC – SAVE Comparison, 1 year

Ces transporteurs aériens, dits de petits budgets dans le milieu, formeraient ainsi la cinquième compagnie aérienne d’importance aux États-Unis, les premières places étant occupées par American Airlines (NASDAQ : AAL) et United Airlines (NASDAQ : UAL). Cette nouvelle entité axée sur les vols à budget prendra donc part au combat contre les grands transporteurs. Ce créneau aura su capter l’intérêt des voyageurs qui tentent tant bien que mal de voyager à meilleur prix possible.

Si nous revenons sur les synergies possiblement envisagées pour ce nouveau mariage à haute voltige, les consommateurs ne profiteront pas nécessairement d’une réduction de prix sur leur billet déjà réduit. Les analystes argumentent plutôt vers une expansion des routes aériennes pour le nouveau groupe plutôt que des synergies de coûts. Ayant très peu de routes se croisant, les transporteurs unissent leurs routes aériennes respectives afin d’offrir une grille primée pour les voyageurs. À titre d’exemple, Frontier a davantage des routes au niveau de l’Ouest américain, le Mexique ainsi que l’Amérique du Sud et Centrale. Spirit a quant à elle des routes aériennes développées dans l’est des États-Unis, les Caraïbes, le Mexique et certaines régions de l’Amérique du Sud. Le nouvel opérateur à tarif réduit se voudrait donc agressif dans son acquisition de part de marché. Combinés, ils récupéraient 2.8% des revenus de passagers aux États-Unis en 2013, alors que ce chiffre en 2019 grimpait à 5.4%, alors que les quatre plus grands opérateurs se partageaient près de 74%.  

La consolidation ne vient toutefois pas sans questionnements. Certains items élémentaires demeurent en suspens encore à l’heure actuelle. Quel sera le nom de ce nouveau regroupement ? Qui en sera le PDG ? Et, si nous considérons les infrastructures existantes, qui perdra son siège social ? Bien entendu, cette nouvelle est fraîchement débarquée sur les marchés et certaines ficelles sont encore à être attachées.

Et pour les voyageurs, quel en sera l’impact ? Difficile à cerner exactement. Les consolidations peuvent être détrimentaires à la clientèle en leur offrant moins de choix pour un même produit ainsi que des prix plus élevés en pariant sur une nouvelle position de force du regroupement. Dans ce cas-ci toutefois, il sera difficile d’augmenter les prix d’un billet d’avion, dû à la nature « petit budget » de leurs opérations. De plus, depuis des années, ces opérateurs aériens à moindres coûts offrent une alternative souvent alléchante aux opérateurs traditionnels, les rendant populaires auprès d’un bon nombre de voyageurs. Ces derniers devront toutefois continuer de faire preuve de prudence dans les petits caractères puisqu’il s’agit souvent des lignes aériennes chargeant le plus de frais accessoires. Le choix du siège, le second bagage à main et limites de poids inférieures aux compétiteurs seront à garder à l’œil.

Un dernier item est à l’agenda d’aujourd’hui concernant cette transaction d’envergure. Certains d’entre vous vous rappellerez peut-être d’une tentative d’alliance en septembre dernier d’American Airlines et JetBlue. Le département de la justice (ou communément appelé DOJ aux États-Unis) avait déposé une plainte afin de bloquer cette alliance, citant les dommages que cela occasionnerait aux voyageurs et sur la compétition globale du marché. Alors que l’administration Trump était beaucoup plus docile sur cet aspect et aura finalement accepté l’alliance entre JetBlue et American Airlines, il n’en va pas du même ton sous l’administration Biden.

La nouvelle administration se voit beaucoup plus difficile à convaincre et a juré de protéger la compétition entre les opérateurs aériens, au bénéfice des consommateurs. Le département du transport s’affaire déjà à réviser les termes de l’entente annoncée. Il s’agit des derniers réels obstacles avant la conclusion de cette fusion, mais il pourrait être de taille.

En attendant la finalité de l’histoire, les investisseurs s’arrachent toujours les actions des entreprises, d’une part et d’autre, démontrant à la fois appui et réticence. Les titres des lignes aériennes demeurent largement sous leur niveau prépandémique. Les liquidités commencent à se faire rares et les extensions de crédit sont plus difficiles à obtenir, et ce, malgré la grogne qui monte contre les mesures sanitaires. Il semble que tous les moyens soient valides afin de remédier à la situation. Quoique pour certains, il s’agit peut-être du dernier jeu envisageable dans leur playbook avant de recourir à des solutions plus… dramatiques.

Sources : 

https://www.marketwatch.com/story/we-could-see-cheaper-flights-across-the-board-frontier-and-spirit-merging-could-help-cost-conscious-flyers-with-one-big-caveat-11644257215?mod=home-page

https://www.cnbc.com/2022/02/07/frontier-and-spirit-to-merge-creating-5th-largest-airline-in-us.html

https://www.bnnbloomberg.ca/frontier-to-buy-discounter-spirit-airlines-for-us-2-9b-1.1719431

https://thehill.com/policy/transportation/593156-frontier-spirit-merger-likely-to-draw-white-house-scrutiny

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