Le talon d’Achille des SPAC mis en lumière

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Comme discuté dans certains billets précédents, les SPACs (ou Special Purpose Acquisition Company en anglais) ont eu le vent dans les voiles ces deux dernières années. Toutefois, une nouvelle récente sur une des SPAC médiatisées remet en question l’utilité et les risques associés derrière ce véhicule financier. Avec aujourd’hui, un peu de recul, faisons le point sur ceux-ci ainsi que leur performance globale.

Le but usuel d’une SPAC est en réalité d’être une compagnie publique. Tout comme un PAPE (Premier Appel Public à l’Épargne, ou encore le terme plus amical anglophone, IPO) l’entité devient une compagnie publique cotée sur l’un des marchés boursiers, auprès duquel l’appel a été réalisé. Le fonctionnement est cependant bien différent qu’une IPO. Le processus typique de l’IPO vise l’émission d’actions de la compagnie alors privée, et avec l’aide d’un souscripteur, souvent une grande banque d’investissement, effectue la vente de ces actions fraîchement émise sur les marchés publics. Ici, les relations du souscripteur afin de promouvoir et de faciliter la vente de ces actions sont primordiales. Toutefois, ces relations ont un coût élevé, auquel nous reviendrons plus tard.

En procédant par le processus de SPAC, la compagnie privée fusionne alors (ou encore, est « rachetée ») par la SPAC, qui elle, bénéficie déjà de son titre de compagnie publique. Le titre de la coquille se transige normalement à un prix forfaitaire (par exemple, 10$/action). La SPAC publique affiche donc ses intentions et plans d’affaires pour la coquille vide et attire des capitaux afin de mettre à exécution ses plans. La fusion entre la compagnie publique coquille et la compagnie privée, modifie indirectement le statut de cette dernière comme étant publique. La SPAC demeure virtuellement sans activités opérationnelles, jusqu’à ce que cette fusion ait lieu. Son but préfusion étant de trouver une cible avec laquelle fusionner, et de lever assez de capitaux afin de concrétiser cette alliance.

Les raisons d’utiliser une SPAC sont multiples. La raison primaire cependant, est qu’il est beaucoup plus rapide de compléter ladite fusion. Alors que le tracé traditionnel de l’IPO peut prendre jusqu’à 18 mois, la SPAC peut se réaliser en 3 mois à peine. Les frais de transaction, de marketing et autres dépenses sont également plus faibles que l’IPO. Il est à se rappeler ici qu’aucun intermédiaire n’effectue la promotion et distribution du titre. Il s’agit donc d’une voie directe et efficiente.

Il existe cependant plusieurs arguments contre l’utilisation d’un tel véhicule. Quoique la grande majorité des SPACs sont créées en ayant une cible bien précise avec laquelle fusionner, qu’arrive-t-il si la coquille vide n’arrive pas à réaliser sa vision? Qu’elle demeure vide et sans cible? Que l’actionnaire majoritaire (le commanditaire) n’arrive pas avec une proposition d’investissement intéressante? Ou encore, tout comme récemment annoncé, que faire si les investisseurs précédemment attirés, décident de quitter dès la première opportunité?

Source: CBINSIGHTS – RESEARCH REPORT – What is a SPAC? – April 5, 2022

Cette défaillance a d’ailleurs été mise de l’avant cette semaine puisque Digital World Acquisition Corp (Nasdaq : DWAC) a de la difficulté à obtenir les votes nécessaires auprès de son actionnariat. Digital World est le véhicule ayant pour but de fusionner avec la compagnie de réseau social de M. Donald Trump, la Trump Media & Technology Group. La date règlementaire de 2 ans, date à laquelle une SPAC se doit d’avoir complété son acquisition, tombe ce jeudi 8 septembre. Les charges criminelles contre certains membres du management et conseil d’administration de Digital World par la SEC ne sont toujours pas résolues et le véhicule manque de temps afin de respecter sa date limite.

Il a donc été convenu il y a deux semaines, de proposer un vote sur une extension d’un an sur la durée de vie de la SPAC. Des votes positifs à 65% se doivent d’être enregistrés afin de faire passer la proposition, seuil qui n’avait toujours pas été atteint ce mardi. La date limite du vote a été repoussée à jeudi, afin de donner le plus de temps possible aux investisseurs afin de voter sur la proposition. Ces votes seront primordiaux si M. Trump veut voir son réseau social listé sur les marchés publics. Sans quoi, les fonds levés en septembre 2021, devront être retournés aux investisseurs. La liquidation sera effectuée ce jeudi si le vote ne réussit pas à atteindre le seuil de 65%.

Source: Source: TradingView, share price Nasdaq:DWAC, 1 an, 6 septembre 2022 

Le titre de Digital World a chuté de 11.50% ce mardi suite à cette possibilité plutôt négative, afin d’atteindre 22.13$ US. Le management de Digital World détient tout de même un droit unilatéral d’étendre la vie du véhicule jusqu’à 6 mois, une avenue qui n’est pas non plus souhaitable que d’aller à l’encontre des désirs de ses investisseurs.

Il ne serait pas surprenant de voir un autre SPAC donner un rendement médiocre aux investisseurs (lire ici, négatif) puisque ceux-ci n’ont qu’un taux de réussite d’environ 42% entre les années 2003 et 2013. Un rapport de CB Insights montre d’ailleurs que plus de 80% des actions des SPAC ont été rachetés après les 2 premiers mois de février 2022. Ces rachats étaient alors de 50% en 2021, et de 20% en 2020. Les rachats se font notamment lorsque les investisseurs retirent leurs investissements avant la consommation de la transaction de fusion. Ce faisant, la SPAC dispose de moins de liquidités, et limite sa latitude de réellement compléter sa transaction. Parmi les entreprises citées, Kin Insurance et Acorns ont toutes deux abandonnées leurs idées de grandeur en mars 2022 suite au taux élevé de rachats. D’autres, au contraire, ont réussi à passer la fusion, mais ne sont guère catégorisés comme un investissement sain, par exemple, Nikola Corporation (Nasdaq :NKLA), qui peine encore à fournir une poignée de camions par année. 

Sources :

https://advisory.kpmg.us/articles/2021/why-choosing-spac-over-ipo.html

https://financialpost.com/pmn/business-pmn/trump-media-deal-suffers-blow-as-spac-fails-to-win-extension-2

https://www.forbes.com/sites/siladityaray/2022/09/06/truth-social-spac-reportedly-fails-to-get-shareholder-support-to-prolong-acquisition/?sh=2c285856cf68

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