Un effet d’entraînement tracassant

Les nombreuses hausses de taux d’intérêt dans le dernier 18 mois en ont pris plusieurs par surprise. Alors que l’économie tente toujours de trouver son équilibre, les dernières rumeurs pointent vers une autre hausse potentielle de taux pour la réunion de la Banque du Canada lors du 12 juillet prochain. Ces hausses visaient spécifiquement l’inflation, qui a grimpé à un rythme effréné dans les derniers mois de 2022 et début de 2023, en partie, découlant du marché immobilier. Ce créneau important de l’économie canadienne commence à montrer des signes d’essoufflement lorsque vient le temps de jumeler un acheteur avec un vendeur. Cette difficulté d’appariement, juxtaposée d’autres effets de la pandémie, fabriquent encore plus d’incertitude.

La dernière hausse de taux d’intérêt au Canada en début juin de 0.25% pour atteindre le taux directeur de 4.75% a été un coup de plus dans l’engrenage déjà ensablé de l’immobilier. Les experts aujourd’hui tendent vers un taux de 5%, qui serait relevé en juillet, pour enfin atteindre un pallier de répit et de laisser cours naturel à l’économie dans ce nouvel environnement.

Afin de débuter la boucle d’impact, la hausse des taux affectent d’abord les emprunteurs. Les particuliers et entreprises ayant besoin d’emprunter auprès des banques sont les premiers à sentir l’effet des hausses. Les acheteurs de propriété doivent se financer à un taux plus élevé, tout comme les commerces désirant alimenter leur croissance, tant bien que mal. Nombreuses sont les entreprises louant leur emplacement, qu’il s’agisse d’immeuble à bureaux, bâtisse industrielle ou encore leur emplacement dans un centre commercial. Vous aurez deviné, les loyers sont également affectés par ces hausses indirectement, puisque les propriétaires doivent maintenant payer davantage d’intérêt sur leurs prêts en cours. Les Real Estate Investments Trust ou REITs, représentent une portion non-négligeable de propriétaire immobilier en Amérique du Nord. Malheureusement pour le particulier, ces derniers répandent l’impact des hausses de taux, dans leur portefeuille d’investissement.

Les REITs, sont une excellente manière d’obtenir une exposition à l’immobilier, quel que soit sa catégorie, et de générer un rendement, normalement sous forme de distribution ou retour en capital. Lorsque vient l’exercice d’évaluer si un REIT est un bon investissement, il existe de nombreuses manières afin de valider la valeur de son cours. Grossièrement, le cours des parts du REIT devrait représenter la valeur des immeubles sous-jacents ainsi que les revenus générés par ces derniers.

En écartant le Dividend Discount Model (ou DDM), la méthode de préférence afin d’évaluer les parts d’un REITs est celle de multiples incluant le FFO (ou Funds From Operations). Le calcul du FFO est de rajouter au bénéfice par action, les montants reliés à l’amortissement, dépréciation et vente ou achat d’actifs. Le FFO devient donc le EPS lors de l’évaluation des REITs.

Dans un environnement inflationniste et où les valeurs des immeubles sont plus qu’incertaine, les REITs voient un impact grandissant sur les marchés. Les hausses de taux ont un effet direct sur leur financement. L’acquisition et le financement des divers parcs immobiliers devient beaucoup plus difficile et les financements complétés ou renouvelés sont soudainement beaucoup plus dispendieux. Tout comme un particulier voulant s’acheter une propriété, les REITs empruntent au taux plus élevé des derniers jours, faisant gonfler ce poste de dépenses, laissant naturellement un FFO moins élevé. Un second élément qui, normalement, fait croître le FFO, est que beaucoup de véhicules sont en mesure de refiler les hausses de coûts au consommateurs finaux, soient les occupants des immeubles divers.

Les loyers plus élevés augmentent donc les revenus et devraient être distribués aux investisseurs en bout de ligne. Le problème de certains REITs, est que les taux ont augmentés trop rapidement pour être en mesure de refiler la facture en entier aux consommateurs. Ces derniers sont parfois même protégés par la loi d’augmentation jugée trop sévère, comme c’est le cas au Québec et encadré par le Tribunal Administratif du Logement. À titre d’exemple, le Tribunal identifiait une augmentation de 2.3% pour les logements non chauffés et de 2.8% pour les logis chauffés pour 2023. Vous aurez bien vite constaté que nous sommes loin des augmentations de taux d’intérêt et de l’inflation des derniers mois.

Ces derniers points sont davantage reliés au REITs résidentiels. Il existe également des véhicules à vocation de soins de santé, de production industrielle, de centres commerciaux et de bureaux corporatifs. Comme cité plus tôt, le coût des emprunts demeurent un enjeu de taille pour ces véhicules. Ils possèdent cependant leurs propres enjeux spécifiques, tout comme les résidentiels. Ne prenons que les titres concernant les bureaux corporatifs, il devient extrêmement difficile de se positionner avec la nouvelle réalité du travail à la maison, du modèle hybride ou encore du retour au travail imposé. Les baux sont abandonnés ou résiliés faute de personnel afin de remplir ces bureaux. Des locaux vides font diminuer les revenus et directement, les FFO découlant de ces immeubles.

Depuis la mi-2022, les REITs ont connus des périodes de rédemption de parts, soit des demandes de rachat de parts venant des investisseurs, majoritairement propulsé par la disparité et la volatilité entre les valeurs aux livres des REITs ainsi que le cours auxquels ils se transigent.

En janvier dernier, le géant de l’investissement, Blackstone inc. (NYSE :BX) annonçait qu’ils mettaient en place ses limites de rédemptions afin de limiter les retraits à 5% de la NAV (Net Asset Value) du fonds, sur une base trimestrielle. Ces limites, bien établies dès la création du véhicule, ont pour rôle de protéger les liquidités du REITs. En avril dernier, il s’agissait du 5e mois consécutifs où Blackstone, ainsi que d’autres manufacturier de REITs appliquaient ces limites. Décidément, les hausses rapides ont causé bien des tracas et ce, sur tous les fronts.

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Sources:

https://www.ft.com/content/a8262584-3ad9-4d8b-9919-bb7ba4e8ac45

https://blog.wisesheets.io/how-to-value-a-reit-simple-methods-to-follow/

https://starlightcapital.com/en/insights/impact-of-rising-interest-rates-on-reits

https://www.reuters.com/business/finance/redemption-wave-hits-private-reits-amid-valuation-jitters-2023-01-24/

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