À chacun sa gestion de crise

Après tous ces mois de discours, d’annonces et de mesures diverses, certains analystes sont prêts à déclarer qu’une récession, si elle se réalisait, serait de moindre envergure. Ce ralentissement réaliserait ainsi le « soft landing » dont la Banque du Canada tente de manœuvrer depuis la toute première hausse de taux en début de 2022. Au sud de notre frontière, nos voisins américains tentent également de ralentir le monstre qu’est leur économie avec les mêmes outils. Le discours change quelque peu cependant lorsqu’on regarde la deuxième puissance mondiale : la Chine. Qu’arrive-t-il aux économies locales advenant un « hard landing » d’un partenaire d’affaires d’envergure?

Plusieurs pièces du casse-tête chinois ont été déplacées dernièrement et encore une autre cette semaine. Il ne s’agit pas d’une surprise pour personne que de voir la Chine tenter de protéger leurs marchés financiers et rassurer ses investisseurs. Evergrande (HK :3333) s’est placé le 18 août dernier sous la protection de ses créanciers aux États-Unis, soit le Chapitre 15. Le poids croulant des quelque 31.7 milliards deviendra l’un des plus grands cas de restructuration de dette de l’histoire, tout en implantant une incertitude bien réelle quant à la solidité économique de la Chine.

Cet évènement, telle une révélation, a incité le gouvernement chinois à appliquer certaines actions afin de solidifier ses murs et surtout, le sentiment général qui planait déjà depuis quelque temps sur la crédibilité de la reprise postpandémique.

À compter de ce lundi 28 août 2023, les charges sur les transactions boursières ont passé de 0.1% à 0.05%, une réduction de 50% visant notamment à redémarrer le secteur financier. La réduction est la première de ce genre depuis 2008, témoignant de l’importance et de l’ampleur de la situation chinoise. L’équivalent de la SEC Américaine en Chine, China Securities Regulatory Commission ou CSRC, a également introduit le ralentissement des IPO ainsi qu’une restriction de vendre pour certains grands actionnaires de compagnies locales afin de maintenir le niveau de ces titres en question. Adieu marchés efficients, fondement même de la littérature financière! D’ailleurs, les autorités chinoises demandaient aux grandes institutions et fonds de pension d’acheter et investir dans le marché pour ainsi supporter le secteur.

Source: Trading Economics – Cours 1 an du Shanghai Stock Composite, 2023-08-23

Les réactions initiales des marchés globaux ont été favorables à ces changements, mais n’ont toutefois pas fait long feu. Il devient difficile pour les investisseurs, locaux et outremer, de rationaliser le niveau de l’économie chinoise avec les quelques données économiques encore divulguées. Aux prises avec leurs propres difficultés économiques et potentielles hausses de taux encore dans les cartes, les investisseurs américains demeurent sceptiques. Le baril de pétrole West Texas Intermediate ainsi que le Brent ont tous deux grimpé en vue de ces hausses de taux et alimentées par les risques d’une tempête tropicale près de Cuba. Baptisée Idalia, cette tempête pose un risque à la production de pétrole, alors que la demande ne diminue pas particulièrement.

Heureusement pour l’économie américaine, la Chine n’est pas un client d’importance pour les États-Unis. Il s’agit plutôt de l’inverse, la Chine risque d’apprécier les acheteurs américains en cette période tumultueuse pour leur économie locale. Les acheteurs se tournent vers la Chine, sans surprise, pour obtenir des produits à un coût moindre que ce que les producteurs locaux peuvent offrir. Alors que la majorité de cette consommation peut être diminuée, voire arrêtée, certaines activités posent encore une menace.

Le créneau de l’infrastructure, comme partout au monde, attire investisseurs et promoteurs immobiliers des quatre coins du monde. Il n’est pas rare de voir des investissements en infrastructure à l’étranger sur les bilans de compagnies locales puisque ce créneau avait été jugé historiquement comme sécuritaire, stable et offrant une protection contre l’inflation jusqu’à un certain point, en plus de diversifier le portefeuille d’investissement. Il s’agit de la même histoire lorsqu’un promoteur cherche à faire financer un grand projet immobilier. Ces derniers tourneront le dos aux banques chinoises et prioriseront les économies ayant une meilleure prestance selon les circonstances actuelles.

Dernièrement, plusieurs articles, photos et vidéos ont surgi démontrant la piètre qualité des immeubles construits ces dernières années tentant de répondre à la crise du logement chinoise en bâtissant des complexes avec des matériaux de mauvaise qualité en plus d’une structure douteuse. Il s’agit d’une situation très peu encourageante pour les investissements dans ce secteur.

Dans son ensemble toutefois, les exports des États-Unis vers la Chine ne correspondaient qu’à 12.5% des exports totaux en 2022. L’économie locale se voit donc majoritairement épargnée dans le cas d’une récession forte et soudaine en Chine. D’ailleurs, un article de Wells Fargo paru la semaine dernière réalisait une simulation sur la fenêtre de temps 1989 – 1991 en utilisant les données de la Chine. Le résultat démontrait un PIB plus bas de 12% comparativement à une croissance stable de la période précédente, soit 1980 – 1988. Les économistes ont utilisé cette diminution de 12% comme point de référence pour un « hard landing » afin de tester les diverses économies mondiales.

Les résultats des simulations démontraient également un impact plutôt faible sur la croissance des PIB des économies américaines, japonaises et la Zone Euro, variant de 0.25% à 0.5% sur chacune de ces économies en 2025. Les auteurs sont parfaitement conscients qu’il y aurait des répercussions sur les PIB d’autres économies, toutefois en regardant ces 3 puissances mondiales, il devient plus facile d’imaginer le type d’impact sur le reste du globe. En comparaison, la crise des subprimes de 2007-2008 aux États-Unis a fait chuter le PIB réel de 9% par rapport à son rythme de croissance précrise.

Quoique la simulation ne soit pas exhaustive ni garante de résultats futurs, il en demeure intéressant de voir ce que les chiffres du passé peuvent nous apprendre sur la phase présente. Le constat final est que les États-Unis ne sont pas aussi dépendants de la Chine comme on pourrait le croire et pourrait même s’en tirer plutôt bien advenant une chute de l’Empire chinois.

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Sources:

https://ca.finance.yahoo.com/news/china-markets-rally-authorities-steps-021520759.html

https://www.investopedia.com/hard-landing-china-meaning-for-us-economy-7852837

https://wellsfargo.bluematrix.com/links2/html/7f6b0b35-1562-46c9-b9b0-b51822dd59a0  https://www.reuters.com/world/china/china-evergrande-files-protection-us-court-part-32-bln-debt-overhaul-2023-08-18/

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