Quand acquisitions rime avec régulations

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Cette semaine, nous laisserons de côté le lugubre marché financier traditionnel de même que l’économie ralentie, afin de regarder ce dont les dernières annonces de fusions, acquisitions ou consolidations ont en réserve.

Commençons d’abord avec une transaction bien connue localement, qui a également fait l’objet d’un billet à la fin de 2021. La transaction d’acquisition de Shaw Communications (TSX : SJR.B) par Rogers Communications (TSX : RCI.B) pour un total de 20 milliards de dollars canadien. La transaction visant l’achat de 100% des actions de Shaw par Rogers a suscité bien des réactions au niveau des compétiteurs, citant notamment la consolidation du marché et avec elle, une offre globale détrimentaire aux consommateurs canadiens. Ces compétiteurs, soulevant un excellent point, facilita l’entrée en scène du régulateur canadien du Bureau de la Concurrence, scrutant ainsi les fins détails.

Le Bureau de la Concurrence est un organisme indépendant qui veille notamment à la protection des consommateurs lorsqu’une transaction d’acquisition peut avoir la portée, de près ou de loin, d’affecter le niveau des prix ou de services offerts à ceux-ci. Le Bureau a donc pour mandat de protéger les intérêts des consommateurs, contrairement à la vue populaire des dealmakers ayant un dédain profond pour les étapes législatives supplémentaires qu’ils engendrent dans une transaction. Ces dernières semaines, le Bureau de la Concurrence faisait entendre son opinion sur la consolidation forte vers laquelle la transaction amènerait le marché de la télécommunication au Canada. Cette vision non partagée par les exécutifs de Rogers, les ont forcés à chercher une solution qui apaiserait le régulateur.

La solution retenue la semaine dernière a été de céder une branche du service de téléphonie mobile, Freedom Mobile, appartenant à Shaw, à un autre compétiteur, soit Québécor (TSX :QBR.B) pour la modique somme de 2.85 milliards. En proposant cette concession, Rogers présente sa bonne foi au régulateur que de prendre considération de son inquiétude. Il est à noter que le marché canadien de la communication cellulaire est détenu à près 90% par seulement 3 compagnies ; Rogers, Telus Corp (TSX :T) et Bell Canada (TSX :BCE).

Le graphique ci-dessous montre la performance depuis mars 2021 des joueurs majeurs au Canada. La surperformance de 69% de Shaw est représentative de la prime de 70% proposée lors de son offre initiale. Bell, Telus et Rogers ont tous performé de manière très similaire, en laissant Rogers avec la moins grande croissance, reflétant les efforts déployés sur la transaction plutôt que sur leur développement de produit et marché.

Source: Trading View – performance Mars 2021 à Juin 2022 pour BCE, T, SJR.B, RCI.B

Une seconde transaction d’importance au Canada a fait l’objet de changement majeur cette semaine. Dye & Durham (TSX : DND) a soumis une offre révisée pour l’acquisition de Link Administration Holdings (ASX : LNK). L’offre présente une diminution de 22% du prix initial de 5.50$AUD par action, à 4.30$AUD. Les exécutifs de Dye & Durham mentionnent notamment l’état actuel des marchés financiers mondiaux, en plus des concessions requises face à l’ACCC (ou Australian Competition & Consumer Commission), soit l’équivalent du Bureau de la Concurrence au Canada.

Le fournisseur de logiciel infonuagique a annoncé son intention d’acquérir Link en décembre dernier, mais se cogne aujourd’hui contre les mêmes obstacles que Rogers au niveau de la compétition. Le régulateur australien mentionne notamment que l’intégration verticale de la participation minoritaire de 43% détenue par Link dans Pexa Group (ASX :PXA) peut être sévèrement détrimentaire à la compétition de l’industrie.

Malgré la bonne volonté de Dye & Durham de travailler avec les autorités australiennes, ces embûches ne passent pas inaperçus auprès des investisseurs. Le titre a perdu 48% depuis le début de 2022, représentant la difficulté des marchés, de l’économie et des régulateurs.

Source; Trading View – performance YTD, DND

Le dernier regard aux acquisitions de la dernière année s’arrête sur le SPAC (Special Purpose Acquisition Corporation) de Donald Trump, avec sa nouvellement créée plateforme sociale, Truth Social. La transaction fait cependant face à des difficultés quelque peu différentes que les précédentes. Digital World Acquisition Corp, ayant l’intention d’acheter et ainsi rendre publique la plateforme Truth Social a présenté cette semaine que chaque membre du conseil d’administration aurait reçu une assignation à comparaître (ou subpoena en anglais).

La Court Fédérale ayant ordonné ces assignations désire obtenir le même type de documents dont la SEC (ou Securities Exchange Commission) a déjà fait la demande. Digital World a également reçu une assignation similaire la semaine dernière, à propos de certains individus ainsi que l’implication d’une firme externe, Rocket One Capital, dont un des membres du CA de Digital World est à l’emploi. Ce même membre a annoncé qu’il quitterait son poste d’administrateur, mais que son départ n’était pas relié aux relations ou pratiques de Digital World.  Une autre histoire autour de M. Trump qui demande à être éclaircie.

Dans ce dernier cas, il est évident que les agissements et paroles de l’ex-président n’aident pas la cause de cette transaction. L’examen minutieux des faits et gestes des individus impliqués est incontournable.

Malgré que plusieurs de ces situations soient en développement constant, il devient apparent que plusieurs embûches restent dans le quotidien des équipes s’occupant de ces transactions. Quoiqu’il soit rare aujourd’hui de voir des transactions abandonnées suite aux commentaires du Bureau de la Concurrence, ce n’est pas impossible. Il y a également d’autres évènements ayant le potentiel de faire rater une transaction, on peut entre autres penser à la transaction de Cineworld sur Cineplex, dans laquelle une pénalité de près de 1,25 milliard a dû être versée à Cineplex. Plutôt dispendieux pour une transaction abandonnée.

Sources :

https://www.bnnbloomberg.ca/dye-durham-slashing-link-takeover-offer-by-22-1.1784356

https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-06-18/rogers-shaw-to-sell-wireless-unit-to-quebecor-for-2-2-billion

https://www.reuters.com/markets/deals/rogers-shaw-competition-bureau-participate-tribunal-mediation-proposed-c20-bln-2022-06-24/

https://www.cnbc.com/2022/06/27/trump-spac-deal-threatened-by-federal-criminal-probe.html

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