« Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? »
Vous êtes-vous déjà posé cette question durant l’analyse d’un titre? Ou encore plus important, soit juste au moment de passer la commande via votre plateforme de transaction?
Dans l’idéal, oui, il le faudrait.
Elle peut sembler à première vue singulière ou abstraite, mais cette question peut, à terme, constituer un rempart précieux pour se protéger de pertes en bourse dues à des contournements de règles d’analyse et de transaction, consciemment ou inconsciemment faits. Et elle est simple à comprendre.
L’objectif de ce papier est d’offrir un angle vulgarisé de cette notion psychologique et de favoriser une application dans le domaine de la transaction boursière.
La question « Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? » réfère à un concept précieux en psychologie qu’est la pratique réflexive. Cette notion est largement enseignée dans les universités, elle est documentée dans la littérature scientifique et elle offre au professionnel l’appliquant l’occasion de se recentrer sur l’acte qu’il pose pour circonscrire la charge d’émotions susceptible de l’amener à commettre une erreur, voire dans le pire des cas, une faute.
Plus précisément, Willig (2013) cadre la définition en mettant l’accent sur le « Pourquoi » et le « Comment » je fais ce que je fais. Lazard & McAvoy (2020) s’orientent vers le « Qu’y a-t-il dans mon processus de réflexion et d’action qui influence ce que je fais ». Finlay (2008) dit quant à lui que la pratique réflexive est un processus d’apprentissage où le regard sur soi est mis à l’avant-plan pendant l’expérience vécue. Finalement, Maclean, Harvey & Chia (2012) avancent que la pratique réflexive ferait partie de la discipline quotidienne des élites dans le milieu des affaires.
Voici un graphique inspiré de Finlay (2008) qui synthétise l’ensemble de ces points de théories :

Figure 1. Compétences de la pratique réflexive.
Éloignons-nous de la théorie maintenant afin de digérer concrètement le contenu et pour y arriver, explorons deux cas d’espèce.
Cas #1. Vous avez analysé un titre et pris une position. La valeur de votre position entre en terrain profitable. Vous voyez le gain grandir. Pendant cette croissance de gain, vous vous dites la chose suivante : « Et si le titre changeait de direction et que je perdais ce profit…un tien vaut mieux que deux tu l’auras, non? ». Et vous sortez de la position, pour vous rendre compte que le titre poursuit sa montée et que vous auriez pu engranger davantage de profit.
Ici, le Fear apparaît avoir altéré le respect de la règle pour la gestion de profit. Si la question « Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? » avait été présente au moment d’évaluer l’action à prendre, il aurait été davantage probable que vous vous rendiez compte qu’une crainte de perdre un gain soit à l’œuvre et vous fasse dévier de la règle de gestion de profit.
Cas #2. Vous avez analysé un titre et pris une position. La valeur de votre position entre en terrain négatif. Vous voyez votre perte grandir. Pendant cette décroissance de votre actif, vous vous dites la chose suivante : « Ça va revenir… ». Et vous demeurez de la position, pour vous rendre compte que le titre continue sa dégringolade et que vous creusez votre perte.
Ici, le Greed apparaît avoir altéré le respect de la règle pour la gestion de perte. Si la question « Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? » avait été présente au moment d’évaluer l’action à prendre, il aurait été davantage probable que vous vous rendiez compte qu’un appétit trop grand pour le gain soit présent et vous fasse dévier de la règle de gestion de perte.
Ici, j’ai choisi consciemment et volontairement dans mon écrit des exemples simples, mais fréquents, avec la possibilité de vous répéter la phrase « Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? ». Ça demeure l’objectif : introduire cette pensée au moment sensible de la prise de décision pour se protéger d’une perte due à un contournement de la règle.
Voyons maintenant trois « Ions », terme utilisé dans mon dernier papier, pour mettre en application la pratique réflexive. Cette méthode est à nouveau inspirée des travaux de Finlay (2008).
- Rétrospection : ici, il s’agit de revoir vos étapes d’analyse préalablement effectuées, comme avec une checklist pour rendre l’exercice plus rapide, et vous remettre bien en contact avec votre effort rationnel d’application de connaissances et de règles qui vous a amené à prendre votre position.
- Auto-évaluation : ici, il s’agit de réfléchir et critiquer si l’action que vous vous apprêtez à prendre à l’égard de votre position boursière est bel et bien cohérente ainsi qu’adaptée face aux règles que vous avez fait l’effort d’appliquer.
- Confirmation et/ou réorientation : tout est cohérent, tout est adapté, alors bravo. Vous avez un signal positif supplémentaire pouvant vous encourager à poser votre action ou prendre votre décision. Il vous reste un doute significatif ou vous demeurez inconfortable? Prenez du recul ou revisitez vos étapes jusqu’à ce que vous soyez suffisamment serein pour agir.
Dans un souci de nuance de mes propos, il va de soi que cette méthode n’est pas une baguette magique ou une technique parfaite protégeant à 100% l’exercice de la transaction boursière. Elle est cependant à mon avis un moyen définitivement important, voire incontournable, pour en fin de compte avoir une pratique de la transaction boursière rigoureuse qui amènera à terme une expérience génératrice de bonheur sur les marchés.
N’oubliez pas : « Qu’est-ce que je fais au moment où je le fais? »
Références
Finlay, L. (2008). Reflecting on ‘Reflective practice’. Practice-based Professional Learning Paper 52. The Open University.
Lazard, L., & McAvoy, J. (2020). Doing reflexivity in psychological research: What’s the point? What’s the practice? Qualitative Research in Psychology, 17(2), 159–177. https://doi.org/10.1080/14780887.2017.1400144
Maclean, M., Harvey, C., & Chia, R. (2012). Reflexive practice and the making of elite business careers. Management Learning, 43(4), 385-404.
Willig, C. (2013). Introducing qualitative research in psychology. McGraw-Hill Education.